Eglises d'Asie

Une organisation sikh demande que le RSS soit reconnu comme « terroriste » par les Etats-Unis

Publié le 28/03/2015




L’organisation Sikhs For Justice (SFJ), basée aux Etats-Unis, a déposé une requête auprès du Département d’Etat américain afin d’obtenir que le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), groupe hindouiste lié au BJP de Narendra Modi, …

… actuel Premier ministre de l’Inde, soit inscrit sur la liste des organisations terroristes étrangères.

La demande n’est pas récente. Avant même l’arrivée au pouvoir en mai dernier du leader du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien) à New Delhi et la multiplication des incidents liés au RSS, de nombreuses associations et institutions avaient à plusieurs reprises appelé à interdire pour « activités terroristes » l’organisation hindouiste ainsi que certains de ses mouvements satellites appartenant à la mouvance du Sangh Parivar (1).

Après les chrétiens et les musulmans, qui figurent parmi les communautés religieuses les plus visées par les hindouistes du RSS, ce sont donc aujourd’hui les sikhs, qui, depuis leur communauté établie aux Etats-Unis, demandent des sanctions internationales contre l’organisation considérée comme « le bras armé du BJP sur le terrain ».

« Le RSS pratique et diffuse une idéologie fasciste, tout en menant des campagnes d’une grande violence, avec pour but déclaré de faire de l’Inde une nation hindoue aussi bien sur le plan culturel que religieux », a expliqué mardi dernier à l’Indian Express, l’avocat de la SFJ, Me Gurpatwant S. Pannun.

Narendra Modi n’a jamais fait mystère de son adhésion à l’idéologie du RSS, organisation dont il a été un membre actif et qui lui a apporté un soutien essentiel lors de sa campagne électorale de l’an passé. Une complicité qui lui a été particulièrement reprochée, qu’il s’agisse de ses silences face à la multiplication des attaques contre des chrétiens et autres minorités religieuses par les militants de l’organisation hindouiste ou de l’absence totale de sanctions ou même de désaveu envers les propos extrémistes tenus par certains membres de son gouvernement.

Mais, rapporte le 26 mars l’Indian Express, le gouvernement américain aurait clairement signifié son intention de rejeter la requête de la SFJ, en demandant un délai pour rendre sa décision. En effet, mardi 24 mars, Me Preet Bharara a déclaré, au nom du Secrétaire d’Etat John Kerry, que la demande était toujours entre les mains de la juge Laura Taylor Swain du District Sud de New York, et que « le gouvernement demandait à étudier en profondeur tous les éléments du dossier jusqu’au 14 avril ».

« Si le gouvernement envisageait de répondre favorablement à la requête, il aurait rendu sa décision dans les délais impartis, c’est-à-dire mardi dernier, explique encore l’avocat américain. Le Département d’Etat a l’intention de la rejeter et c’est pour cela qu’il a besoin de plus de temps pour étayer ses arguments. »

Le gouvernement indien a réagi quant à lui en qualifiant de « parfaitement ridicule » la requête de la SFJ, l’accusant de ne chercher qu’à « déstabiliser la sphère de l’Etat ». Une critique qui s’appuie sur le long passé séparatiste du groupe (demandant régulièrement la tenue d’un référendum pour la création d’un Etat sikh, le Khalistan) et qui a déjà déposé des plaintes presque similaires à l’encontre de Sonia Gandhi et Manmohan Singh, afin de demander réparation pour le massacre de milliers de sikhs qui avait suivi l’assassinat d’Indira Gandhi en 1984.

Mais malgré l’apparente légèreté avec laquelle le gouvernement de Narendra Modi a traité la demande des sikhs de la diaspora, celle-ci semble cependant avoir eu un effet aussi concret qu’immédiat en suscitant une démarche inédite de la part de Premier ministre indien.

En effet, le 23 mars dernier, alors que se jouait le sort de la requête de la SFJ auprès du Département d’Etat américain, Narendra Modi effectuait envers la communauté sikh un geste perçu comme très symbolique par toute la presse indienne, en rendant sa première visite au Temple d’Or d’Amritsar, au Pendjab. Il s’est incliné devant le livre sacré du sikhisme, la tête couverte d’un foulard, avant d’effectuer le rituel de circumambulation autour du temple et de boire l’eau sainte du sarovar (bassin entourant le site sacré).

La démarche du Premier ministre hindouiste, si elle a fait la Une des journaux indiens, n’a pas fait l’unanimité, loin de là, étant même qualifiée par certains – dont les membres de la SFJ – de « provocation sacrilège ». C’est en effet dans ce sanctuaire, considéré comme le lieu le plus sacré du sikhisme (abritant entre autres son livre saint, le Guru Granth Sahib), qu’a été perpétré le massacre de 1984 ordonné par le Premier ministre indien de l’époque, Indira Gandhi, afin de déloger des indépendantistes sikhs qui s’y étaient retranchés. Un assaut qui aura pour répercussion son assassinat quatre mois plus tard par ses gardes du corps sikhs.

Depuis son cuisant échec en février dernier aux élections de Delhi, sur fond de polémique concernant son mutisme lors des récentes violences antichrétiennes commises par les milices hindouistes (majoritairement formées de membres du RSS), le Premier ministre de l’Inde a multiplié ce type de gestes et de déclarations d’apaisement envers les minorités religieuses.

Un changement d’attitude qui n’a pas échappé aux leaders chrétiens et musulmans qui dénoncent régulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi des « atteintes répétées aux droits de l’homme », une « politique d’hindouisation forcée », dont des campagnes de conversions collectives de centaines de chrétiens et de musulmans (3). Les protestations, manifestations et déclarations des représentants des différentes communautés minoritaires de l’Inde étaient cependant restées sans effet.

C’était dans ce contexte tendu qu’était intervenue la mise en garde du président des Etats-Unis, Barack Obama, lors de sa visite en Inde en janvier dernier, avertissant le Premier ministre que ne pouvaient perdurer « les divisions religieuses qui minent la démocratie indienne ». Toutefois, si le président américain avait tenu à faire cette mise au point, il n’est à l’évidence pas à l’ordre de jour de franchir aujourd’hui le pas qui mène de la « recommandation » à l’interdiction et à la condamnation internationale d’un mouvement ouvertement affilé au Premier ministre de l’Inde.

Ce dernier semble par ailleurs bénéficier d’un retour en grâce aux Etats-Unis où il a pu se rendre en visite officielle en septembre dernier, alors qu’il y était interdit de séjour depuis dix ans en raison de son implication supposée dans les pogroms du Gujarat de 2002.

L’annonce du rejet de la requête de la SFJ n’en a pas moins fait souffler un vent d’indignation parmi les opposants au gouvernement BJP et certains médias. Le Times of India souligne ainsi le 25 mars qu’il est notoire que « le Département d’Etat américain a des liens étroits avec le RSS, liens qu’il entretient depuis de nombreuses années ». Et le quotidien indien de rappeler que l’idéologue du RSS, Ram Madhav, vient régulièrement à Washington et y a tissé un étroit réseau de « relations au sein des membres de l’Administration et des hommes de loi ».

(eda /msb)