Eglises d'Asie

Cinq jours après avoir été brûlé vif par deux musulmans, un adolescent chrétien est décédé de ses blessures

Publié le 15/04/2015




Tôt ce matin, 15 avril, Nauman Masih, 14 ans, est décédé de ses blessures à l’hôpital Mayo de Lahore. L’adolescent, de religion chrétienne, avait été aspergé d’essence et brûlé vif il y a cinq jours, le 10 avril, par deux jeunes musulmans en route vers la mosquée pour la prière du vendredi. Selon des chrétiens du Pakistan, …

… l’attaque portée contre cet adolescent pourrait être une vengeance après le lynchage à mort de deux musulmans – déclarés depuis innocents – intervenu à Youhanabad, quartier chrétien de Lahore, où un double attentat contre des églises chrétiennes a fait vingt morts le 15 mars dernier. La police évoque un autre motif.

Selon le Christian Post, journal chrétien pakistanais, Nauman Masih était en apprentissage chez un tailleur, de religion chrétienne, à Lahore et il sortait de l’échoppe de son patron, Munir Masih (1), ce vendredi 10 avril, lorsque deux jeunes musulmans à mobylette l’ont interpellé, en lui demandant quelle était sa religion. Ayant répondu qu’il était chrétien, le jeune garçon s’est vu insulté par ses assaillants, ceux-ci s’en prenant verbalement à sa mère. Prenant la fuite, Nauman Masih a été rattrapé par les jeunes musulmans qui l’ont aspergé d’essence, avant de le transformer en torche vivante. Nauman Masih s’est alors jeté sur un tas de sable, avant que des chrétiens du voisinage ne viennent à son aide et appellent les secours. A son arrivée à l’hôpital, les médecins ont déclaré que 55 % de la surface de son corps avait été brûlée. Lundi, une intervention chirurgicale a été tentée, ses médecins estimant les chances de succès à 50 %. En dépit des soins prodigués, le jeune garçon est décédé ce 15 avril.

Selon The Voice Society, association de défense des chrétiens du Pakistan, Nauman Masih était orphelin de père. Celui-ci, Rafaqat Masih, serait mort lorsque Nauman avait 4 ans (d’autres sources indiquent que son décès remonte à il y a quatre ans). Sa mère se serait alors remariée à un musulman et, de ce fait, Nauman et sa sœur, Saba, âgé de 21 ans environ, avaient depuis été recueillis par un oncle paternel, Nadeem Masih, et l’épouse de celui-ci.

A l’hôpital, durant les cinq jours passés en soins intensifs, Nauman a déclaré qu’il ne se connaissait pas d’ennemi et que les deux jeunes qui l’avaient agressé n’avaient donné aucune explication à leur geste. Les chrétiens de la ville, quant à eux, font un lien avec le double attentat commis à Youhanabad le 15 mars dernier. Si l’attentat a été commis – et revendiqué – par un groupe islamiste qui visait la communauté chrétienne, les suites de l’attentat – notamment le lynchage à mort de deux personnes par la foule des chrétiens en colère (un acte ensuite condamné de la manière la plus explicite par les responsables religieux chrétiens) – ont créé un climat défavorable aux chrétiens. Afin de retrouver les auteurs du lynchage, la police a depuis procédé à des arrestations massives dans le quartier de Youhanabad et une centaine de jeunes chrétiens ont été interpellés, mis en prison et déférés devant la justice. Les chrétiens dénoncent l’ampleur du déploiement policier à cette occasion, quand, lorsque des chrétiens sont victimes d’attaques, la réaction des forces de l’ordre se fait souvent très lente.

Le P. James Channan, dominicain pakistanais, dirige le Centre pour la paix à Lahore, une instance engagée dans la promotion d’initiatives de paix, d’harmonie et de dialogue interreligieux. A l’agence Fides, il déclare : « Les chrétiens ont condamné le lynchage, déclarant publiquement qu’il s’agissait d’un crime grave. Toutefois, à plusieurs reprises dans le passé, des chrétiens innocents ont été brûlés vifs : rappelons les attaques massives contre le quartier chrétien de Gojra, Shantinagar ou le cas des deux époux chrétiens brûlés vifs dans un four à brique en novembre dernier. (…) [La mort de Nauman Masih] montre le niveau de haine qui existe dans la société pakistanaise. Nous avons besoin d’une grande œuvre de dialogue et d’harmonie entre les croyants des différentes religions. » Secrétaire durant dix-sept ans de la Commission épiscopale pour le dialogue islamo-chrétien, le P. Channan ajoute : « Je dirais qu’aujourd’hui, les chrétiens connaissent la pire période de leur histoire dans ce pays. Discrimination, souffrance, oppression se muent trop souvent en une véritable persécution. Nous demandons au gouvernement : où est la justice ? Où sont les coupables des nombreux épisodes de violence gratuite commis contre les chrétiens ? »

Pour Nazir S. Bhatti, président du Pakistan Christian Congress, parti politique formé de chrétiens, brûler vif un être humain est un crime absolu, que la victime soit musulmane, chrétienne, ahmadi ou hindoue, mais il qualifie de « crime contre l’humanité » le fait que la police et les autorités du Pendjab adoptent des attitudes différentes selon les cas et ne se montrent pas empressées de faire justice lorsque ce sont des chrétiens qui sont brûlés vifs par des musulmans.

Selon la presse pakistanaise, les explications divergent quant aux possibles mobiles des deux agresseurs de Nauman Masih. Dans l’Express Tribune du 13 avril, un policier en charge de l’enquête cite le témoignage donné par le grand-père du jeune garçon. « Nous avons enregistré la déclaration du grand-père de Nauman. Il accuse l’oncle de Nauman, Nadeem, et sa femme d’avoir commandité l’agression. Il a déclaré que le couple voulait la mort de Nauman pour mettre la main sur la maison de 75 m² dont ce dernier venait d’hériter. Le père de Nauman est décédé il y a trois mois », peut-on lire dans le journal pakistanais.

(eda/ra)