Eglises d'Asie

Entre doutes et rumeurs, le mystère autour de la mort présumée de Mgr Shi s’épaissit

Publié le 20/02/2015




Mgr Shi Enxiang est-il réellement décédé en prison, et surtout les autorités chinoises ont-elles bien déclaré à la famille de celui-ci que son corps lui serait restitué ?Les réponses à ces questions tardent à venir et les rumeurs prennent progressivement le pas sur les quelques bribes d’informations … 

… qui avaient pu être glanées par les médias et les proches de l’évêque « clandestin » emprisonné.

Plus encore que le comportement plutôt inhabituel d’un gouvernement qui n’a pas pour politique de prévenir du décès des personnes « portées disparues » dont il nie la détention, les doutes les plus sérieux concernant « le mystère Shi » semblent indiquer qu’un malentendu aurait pu être à l’origine de l’annonce du « retour des restes » de l’évêque de Yixian.

Samedi 31 janvier, les proches de Mgr Shi Enxiang, détenu au secret par les autorités chinoises depuis 2001, et dont l’on demeurait sans nouvelles, annonçaient que la dépouille de l’évêque de Yixian devait leur être restituée prochainement. L’information provenait de sa petite-nièce Shi Chunyan, 42 ans, après un coup de téléphone par lequel, disait-elle, on lui avait annoncé que le corps de son grand-oncle allait être rendu à ses proches le 1er février prochain.

La nouvelle du décès en captivité de Mgr Shi à l’âge de 94 ans, se répandait dès lors comme une traînée de poudre, décuplée par les réseaux sociaux, en particulier par Weibo, l’équivalent en Chine de Twitter où les témoignages et les commentaires concernant « l’évêque martyr » se multipliaient en quelques heures.

Mais les jours passant et le corps – ou les cendres – de Mgr Shi n’étant toujours pas restitués à sa famille, celle-ci contactait à plusieurs reprises les autorités locales, lesquelles auraient alors répondu que le fonctionnaire leur ayant annoncé le décès était soit « ivre », soit « mal informé », comme le rapportait l’agence d’information catholique Ucanews.

Parallèlement à ces efforts entrepris par la famille afin de recueillir des informations auprès des fonctionnaires de l’Etat, différentes rumeurs commençaient à circuler, en grande majorité sur les réseaux sociaux, faisant état du décès de Mgr Shi qui remonterait à deux ou trois ans déjà.

« Il semble de plus en plus vraisemblable que la version suivante qui circule sur le Web – et dont nous avons eu confirmation orale – soit la vraie ; un prêtre aurait téléphoné à la petite nièce de l’évêque, mais la communication était très mauvaise », rapporte à Eglises d’Asie une source ecclésiale à Hongkong, qui témoigne sous le couvert de l’anonymat. « Celle-ci a compris qu’il parlait de Mgr Shi et a cru qu’il annonçait que le gouvernement allait restituer le corps sous peu, puis la communication a coupé. La petite-nièce a immédiatement appelé ses parents pour les informer, et sans vérifier, les parents ont informé l’administrateur, qui sans vérifier lui non plus, a déclenché toute la machine diocésaine, ainsi que la diffusion des informations pour la presse … »

Mais qu’il s’agisse d’une rumeur ou d’un malentendu, nul ne peut dire à l’heure actuelle ce qu’est devenu l’évêque clandestin. Décidée à briser cette incertitude, la communauté catholique de Hongkong s’est mobilisée pour faire pression sur Pékin et obtenir des réponses.

« Le gouvernement chinois pense que les disparitions forcées effrayent la population et donc maintiennent la stabilité de la société par la peur, mais tout au contraire, cette façon de faire ne peut que conduire à la déstabilisation et à la barbarie », a déclaré la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Hongkong dans une lettre ouverte au gouvernement chinois, publiée le 11 février. « La disparition forcée de Mgr Shi était déjà une violation des droits de l’homme ; aujourd’hui, sa famille ne peut savoir s’il est vivant ou mort ; il s’agit d’un acte particulièrement inhumain », conclut l’appel adressé aux autorités.

Le samedi suivant, 14 février, la même Commission a organisé une manifestation, menée par le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, afin de réclamer que Pékin « fasse enfin la lumière sur [le cas de] Mgr Shi ».

« La nouvelle de sa mort circule depuis deux semaines ; le gouvernement doit nous répondre : est-il mort ou non ? Si oui, où et quand cela est-il arrivé ? Mais surtout, il faut que les autorités rendent ses restes à sa famille », a déclaré le cardinal Zen.

Les protestataires ont marché jusqu’au Bureau de liaison de Pékin à Hongkong et ont déposé des roses blanches et des œillets en hommage à tous les prêtres et religieux morts ou portés disparus dans les geôles chinoises (1). « Msgr Shi [Enxiang] et Su [Zhimin] ont fait le sacrifice d’eux-mêmes », ont rappelé les organisateurs de la marche pacifique, ajoutant  qu’ils « avaient enduré une longue vie de souffrance pour défendre la liberté de religion ».

Dans une déclaration signée à l’issue de la manifestation, la commission diocésaine a réclamé également la libération de Mgr Su Zhimin, évêque de Baoding (dans le Hebei), détenu depuis 1997 dans un lieu inconnu, ainsi que la fin des arrestations et de la persécution des chrétiens en Chine.

Le diocèse de Hongkong a annoncé qu’une messe à l’intention des deux évêques portés disparus serait célébrée le 26 février prochain.

(eda/msb)