Eglises d'Asie – Chine
Hongkong : appel du cardinal Tong à rejeter la légalisation du mariage homosexuel
Publié le 09/11/2015
… à rejeter la légalisation du mariage homosexuel.
La prise de position du cardinal s’inscrit dans un contexte particulier. A ce jour, si la législation à Hongkong ne connaît pas l’homosexualité, que ce soit pour la proscrire ou pour la légaliser, des mouvements pro-gay ont, ces dernières années, tenté de faire changer les choses en promouvant la nécessité de voter au Legco (Legislative Council, le Parlement local) des textes favorables à leur cause. Tentatives à chaque fois repoussées, notamment à l’initiative des Eglises chrétiennes qui, comme le diocèse catholique de Hongkong l’indiquait en 2009, rappellent que si elles sont opposées à toute forme de discrimination visant les personnes, y compris du fait de leurs orientations sexuelles, elles défendent le mariage et la famille comme fondements de la société.
Toutefois, au fil des années, des décisions de justice (notamment un jugement de mai 2013 autorisant une transsexuelle à contracter un mariage avec son ami) et des campagnes visant à lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle, ont préparé la voie à une évolution législative. Après une consultation lancée il y a dix-huit mois par le gouvernement local, un projet de loi relatif aux discriminations liées à l’orientation sexuelle a été rédigé et devrait déboucher sur le vote, par le Legco, d’une Ordonnance sur les discriminations liées à l’orientation sexuelle (SODO, selon son acronyme anglais, Sexual Orientation Discrimination Ordinance).
C’est ce texte législatif que dénonce le cardinal Tong dans une lettre diffusée auprès des paroisses du territoire, le 6 novembre. L’archevêque de Hongkong y rappelle que la doctrine de l’Eglise catholique concernant le mariage est ferme et constante sur le fait que le mariage implique l’union d’un homme et d’une femme. Il renvoie notamment à sa précédente lettre pastorale, « L’écologie humaine et la famille : ne pas redéfinir le mariage mais le renforcer ! », publiée en septembre dernier. « Ces dernières années, des mouvements politiques, des courants d’opinion, des tendances sociales, tels que le libertarisme, l’individualisme, le ‘Mouvement pour la libération sexuelle’ et le ‘Mouvement gay’, ont mis en avant la lutte contre les discriminations et pour l’égalité afin de promouvoir l’Ordonnance sur les discriminations liées à l’orientation sexuelle et la reconnaissance du mariage homosexuel ». De ce fait, poursuit le cardinal, « les valeurs même et les concepts clés qui fondent le mariage et la famille sont sans cesse remis en question et mal interprétés, au point que les fondations même de la société sont menacées ».
Le prélat cite à cet égard la reconnaissance du mariage homosexuel aux Etats-Unis en juin dernier suite à une décision de la Cour suprême à Washington, alors même que plusieurs Etats américains « avaient par un vote démocratique refusé la reconnaissance du mariage homosexuel ». Il cite aussi un « Atelier sur les techniques pour faire l’amour » organisé récemment « par de soi-disant organisations étudiantes chrétiennes dans une de nos universités [à Hongkong] qui comprenait une démonstration par des travailleurs du sexe de l’usage des sex toys et des massages érotiques ».
Il est évident, en conclut Mgr John Tong, que la promotion de la libéralisation sexuelle au nom de la liberté académique ressort d’une « culture malintentionnée » qui vise à s’ingérer dans la vie de chacun pour affecter la génération à venir. En votant l’ordonnance SODO et en reconnaissant le mariage homosexuel, « notre société serait contrainte à un changement radical ». La situation est « si critique », estime le cardinal, qu’il appelle les catholiques du territoire à être « le sel de la terre » et « la lumière du monde » en vue des élections à venir (celles qui, le 22 novembre prochain, verront l’élection des conseillers de districts) et des élections futures. Plus concrètement encore, le cardinal appelle chacun à étudier le positionnement des candidats et des partis « sur les questions fondamentales du mariage et de la famille, ainsi que sur l’ordonnance SODO ».
A Hongkong, territoire de 7,2 millions d’habitants où l’on compte 380 000 catholiques, c’est la première fois que le responsable de l’Eglise locale appelle les fidèles à choisir leur bulletin de vote en fonction d’un point politique précis ; auparavant, les prédécesseurs du cardinal Tong se contentaient de donner comme consigne aux catholiques, de voter selon leur conscience et en fonction des principes défendus par l’Eglise.
La prise de position du cardinal n’est pas passée inaperçue, notamment au sein des participants de la gay pride (manifestation à laquelle a pris part une dizaine de diplomates anglais, français, européens, canadien, américain et australien accrédités à Hongkong). La pasteur Grace Bok Sha-lun, de la communauté One Body in Christ, a vivement dénoncé « l’agenda » du cardinal Tong, lui reprochant de chercher « à mobiliser l’électorat catholique afin qu’il ne vote pas pour des candidats » homosexuels ou partisans des minorités sexuelles. « La déclaration [du cardinal] est remplie de propos discriminatoires, et elle est en opposition avec les valeurs centrales de notre foi chrétienne (…), lesquelles sont d’accueillir quiconque », a ajouté la pasteure protestante. D’autres intervenants de la communauté LGBT ont cherché à opposer les déclarations du cardinal aux positions du pape François, affirmant que ce dernier était beaucoup plus « ouvert » à propos de l’homosexualité. Quant à York Chow Yat-ngok, ancien ministre de la Santé du gouvernement hongkongais et désormais président de la Commission pour l’égalité des chances, il a, « en tant que chrétien », critiqué que « la politique s’immisce dans les croyances religieuses ».
(eda/ra)