Eglises d'Asie – Chine
Une nouvelle « carte d’identité » pour tous les religieux chinois
Publié le 16/03/2016
… aux musulmans, pour couvrir les cinq religions autorisées en Chine. Les autorités disposeraient ainsi d’un dossier plus détaillé sur les membres du clergé. Un moyen aussi de renforcer la pression sur les prêtres non enregistrés de la partie « clandestine » de l’Eglise catholique, ces prêtres et évêques qui refusent de faire partie de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC), l’organisation mise en place par le gouvernement pour régir l’Eglise catholique dans le pays.
Pour certains, la politique d’enregistrement systématique pourrait cependant avoir des effets contraires à ceux envisagés. « Si les autorités sont sérieuses au sujet de ces certificats, cela pourrait pousser les prêtres qui refusent ces cartes d’identité à prendre la clandestinité », estime le « Père John », un prêtre chinois cité par l’agence de presse catholique Ucanews. La frontière entre partie « officielle » et partie « clandestine » dans l’Eglise est en effet assez floue. Il arrive que des membres du clergé « clandestin » disposent d’églises visibles de tous et connues des autorités. Selon les périodes et les responsables locaux, les communautés non enregistrées peuvent être laissées tranquilles ou harcelées. Des activités pastorales peuvent être interdites occasionnellement, des lieux de cultes fermés, ou plus rarement détruits. Le clergé local se montre lui aussi plus ou moins discret, certaines communautés testant les limites de leur liberté en organisant des rassemblements publics pour les fêtes religieuses.
Lutter contre les escrocs qui se font passer pour des religieux
D’après Ucanews, la politique d’enregistrement a officiellement été mise en place pour lutter contre les escrocs qui se font passer pour des religieux prestigieux afin de récolter des fonds. Sans surprise, l’Association patriotique des catholiques chinois a approuvé le plan, déclarant lors d’une réunion du 25 février dernier qu’elle allait « ordonner des évêques sous la direction du gouvernement », et amener le clergé non enregistré à adhérer aux structures officielles. Les membres de la partie « clandestine » de l’Eglise refusent en effet de s’enregistrer, dans la mesure où l’enregistrement nécessite de faire partie de l’Association patriotique. Or, celle-ci récuse l’autorité du Vatican, considérée comme une ingérence étrangère dans les affaires intérieures chinoises.
La réunion du 25 février réunissait l’APCC, l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses et le Front uni, l’organe du Parti communiste en charge des relations avec la société civile, incluant la religion. Au programme également, la préparation d’une « Assemblée nationale des représentants catholiques », qui doit se réunir plus tard cette année, et élira de nouveaux leaders. Cette réunion du 25 février était présidée par Mgr Ma Yinglin, vice-président de l’Association patriotique ; Mgr Ma a accepté l’ordination épiscopale pour le diocèse de Kunming, dans le Yunnan, en 2006, sans l’accord du pape, se plaçant de facto en situation d’excommunication.
La dernière réunion de l’« Assemblée nationale des représentants catholique » avait jetée un froid sur les relations entre la Chine et le Saint-Siège. Rome avait vivement déconseillé aux ecclésiastiques chinois de s’y rendre, avant d’accuser Pékin d’avoir contraint nombre de prêtres d’assister à l’événement dirigé par des évêques illégitimes. Un évêque, cité par Ucanews mais qui préfère garder l’anonymat, explique : « Le fait de réunir cette assemblée n’est pas décidé par l’Eglise, mais dans les hautes sphères (du gouvernement). Qu’elle soit réunie ou non, cela dépendra beaucoup du résultat des négociations Chine-Vatican. »
Durcissement de la politique religieuse de Pékin
Le Vatican et la Chine ont rouvert des négociations depuis juin 2014, dont le contenu est essentiellement tenu secret. L’un des sujets abordés est la délicate nomination des évêques chinois. Dans des périodes de tension, Pékin a ordonné plusieurs évêques sans l’accord de Rome. Quelques-uns ont été reconnus a posteriori par le pape, mais sept d’entre eux sont toujours illégitimes (car nommés sans l’accord du pape). L’ordination cet été d’un évêque à Anyang, dans le Henan (sud de Pékin), avait ressuscité quelque espoir, les deux parties s’étant accordées sur le choix du candidat et aucun évêque illégitime aux yeux de Rome n’ayant pris part à la cérémonie.
Depuis cet été pourtant, aucun autre signe n’est survenu pour donner à penser que Pékin pourrait amender sa politique religieuse. Au Xinjiang, dans le grand Ouest chinois, de nombreuses mesures ont été prises contre la pratique de l’islam, de l’interdiction de certains vêtements religieux à l’interdiction de la pratique du ramadan pour les fonctionnaires et les étudiants. Au Tibet, l’oppression des bouddhistes qui vénèrent le dalaï lama perdure depuis des années. Au Zhejiang, province située au sud de Shanghai, la campagne de destruction des croix surmontant les lieux de cultes protestants et catholiques se poursuit depuis plus de deux ans.
En marge de la session annuelle de l’Assemblée nationale du peuple (ANP), qui se tient jusqu’à la fin de la semaine à Pékin, Mgr Fang Xinyao, président de l’Association patriotique des catholiques chinois, a assuré que la campagne en cours dans le Zhejiang n’était pas une politique nationale. Mgr Joseph Fang Xinyao est l’évêque « officiel » de Linyi, dans le Shandong ; bien que reconnu par Rome, il est considéré comme proche des autorités chinoises. Il fait partie des neuf évêques catholiques – dont trois ont été publiquement excommuniés par le Saint-Siège – délégués pour siéger à l’ANP, ce « Parlement » qui se réunit une fois par an pour approuver quasiment sans discussion les décisions du Parti. Le gouverneur de la province du Zhejiang, également présent à l’Assemblée, n’a pas pour l’instant parlé aux journalistes présents sur place. La campagne en cours dans sa province est l’un des sujets tabous que les médias chinois ont interdiction de couvrir.
(eda/sl)