Eglises d'Asie

L’évêque de Macao s’exprime ouvertement sur l’attitude adoptée par Pékin à l’égard de l’université catholique de Macao

Publié le 22/03/2016




Au début de ce mois de mars, installé depuis un peu plus d’un mois à la tête du diocèse catholique de Macao, Mgr Stephen Lee Bun-sang n’a pas caché son étonnement après que le gouvernement central chinois a signifié à l’University of Saint Joseph (USJ) son refus d’autoriser …

… des étudiants de Chine continentale à venir étudier dans cette université catholique, placée sous la double tutelle de l’Université catholique du Portugal et du diocèse de Macao.

A la télévision locale, Teledifusão de Macau (TDM), Mgr Lee a déclaré que seule la peur pouvait expliquer la décision des autorités chinoises. « [L’Eglise] a toujours essayé de montrer qu’elle pouvait entretenir des relations amicales avec tous les pays, notamment avec ma patrie, la Chine, a déclaré l’évêque. Je ne vois donc aucune raison qui pourrait expliquer le rejet de la requête [présentée par l’USJ]. Cette décision est plutôt injuste à notre égard et c’est la raison pour laquelle je suis plutôt triste de l’entendre. » Toujours devant les caméras de TDM, Mgr Lee a précisé que « la seule raison » qu’il pouvait imaginer pour expliquer la décision de Pékin était que ce dernier « craigne que nous formions des catholiques qui en viendraient à s’opposer au gouvernement ».

Des étudiants chinois pour une université catholique

La requête présentée par l’USJ était d’accueillir, à la rentrée de septembre prochain, une soixantaine d’étudiants de Chine continentale. Fondée en 1996, l’USJ est engagée dans un important plan d’expansion, et projette d’accueillir quelque 1 300 étudiants à la rentrée 2016 sur son nouveau campus d’Ilha Verde, actuellement en construction.

Quelques jours plus tard, Alexis Tam, secrétaire à la Culture et aux Affaires sociales au sein de l’exécutif local, a cherché à minimiser la décision de Pékin en déclarant que la requête de l’USJ de recruter des étudiants venus du continent aurait « de plus grandes chances d’être acceptée » une fois que le nouveau campus sera opérationnel et qu’il veillerait personnellement à « y contribuer le moment venu ». Toutefois, les déclarations d’Alexis Tam n’ont pas fait taire les interrogations.

Un test pour un évêque nouvellement nommé ?

Le Macau Daily Times cite ainsi « un observateur local » qui se demande si le rejet par Pékin de la requête présentée par l’USJ ne s’apparente pas plutôt à un test. Mgr Lee étant à la tête du diocèse de Macao depuis très peu de temps, les autorités chinoises chercheraient à tester ses capacités de réaction. Venu de Hongkong, territoire qui, comme Macao, se trouve gouverné, sous le drapeau chinois, au titre de la formule ‘Un pays, deux systèmes’, Mgr Lee serait soupçonné par Pékin de ne pas être assez malléable et de vouloir importer à Macao – un territoire où l’influence directe de Pékin se fait nettement plus sentir qu’à Hongkong – l’esprit hongkongais, un esprit pétri de revendications locales et d’une volonté de distinction vis-à-vis du continent.

Dans son interview à TDM, le 2 mars dernier, Mgr Lee a seulement expliqué que l’Eglise à Macao ne pouvait agir que dans le cadre de la formule ‘Un pays, deux systèmes’. « Notre rôle est plutôt passif dans la mesure où nous ne pouvons apporter notre aide que s’ils désirent que nous le fassions », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il croyait que l’Eglise était en mesure d’aider la Chine tant sur un plan spirituel que matériel, par son engagement en faveur du développement social.

Docteur en droit canon avec une thèse sur les « Relations entre l’Eglise et l’Etat en République populaire de Chine », Mgr Lee vient de Hongkong où il a été notamment directeur d’une importante école catholique. Avant sa nomination à Macao – nomination qui avait créé la surprise car c’était la première fois que le pape transférait un évêque de Hongkong à Macao –, Mgr Lee faisait partie des clercs catholiques qui sont persona non grata en Chine continentale (1).

Au diocèse de Hongkong, cette affaire est suivie de près. En effet, à la rentrée de septembre 2016, le diocèse inaugurera sa toute nouvelle St Francis University, où il est prévu qu’environ 80 étudiants de Chine continentale viennent y étudier.

(eda/ra)