Eglises d'Asie

Phnom Penh : L’Eglise catholique lance un cycle de trois années consacré à la Famille

Publié le 17/01/2017




« Combien de fois, cette année, j’ai vu, dans notre Vicariat, Dieu, le plus grand, sur les visages des plus petits et sur vos visages rencontrés ! […] Ces derniers jours encore, combien de fois j’ai vu Dieu parmi nous : j’ai vu les quelques chrétiens de Saint Paul, de Phnom Penh Thmey …

… rassembler cent pauvres et personnes âgées et leur offrir leur amitié et leurs sourires ! […] ; J’ai vu des centaines de pauvres, bouddhistes et musulmans, venus partager un temps de fraternité chez les sœurs de Mère Teresa ; j’ai vu 3 000 enfants se presser à Takeo pour fêter la joie de Noël ensemble ; j’ai vu les visages illuminés de 500 prisonniers à Takeo, alors que les leaders bouddhistes, musulmans, protestants et catholiques se donnaient la main pour les bénir et les encourager ! J’ai vu la Gloire de Dieu briller de tous ces feux sur la magique scène de théâtre de Chomkacheang, où les jeunes ont présenté la Nativité selon le théâtre traditionnel Bassac, sous les yeux ébahis des foules et de la télévision nationale ! Et chacun de vous a vu Dieu aussi, rappelez-vous ! », témoigne Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh, dans sa nouvelle lettre pastorale distribuée aux fidèles catholiques, lors de la fête de l’Epiphanie. Après trois années dédiées à la charité, l’évêque a annoncé le lancement d’un nouveau cycle de trois ans, consacré cette fois-ci à la Famille, avec plusieurs défis à relever : celui du fléau de la pauvreté, de l’émigration, des mariages interreligieux et celui de pouvoir offrir à la jeunesse cambodgienne, un modèle familial inspiré des valeurs évangéliques.

Un appel à « une révolution mondiale ! »

« Dieu est là, dans le monde qui pleure ses morts… Dans notre Eglise qui parfois s’enferme dans les murs de certitudes et de jalousies…. Dans notre pays qui fait de moins en moins de place aux plus petits… les plus pauvres, les handicapés lourds, les sans-terre, les migrants… Dans nos familles qui sont parfois si déchirées à cause des infidélités, du jeu, de la violence, de la drogue…Dans nos lieux de travail marqués par des rancœurs latentes, des besoins de pouvoir destructeur….. Dieu est là. Il nous invite en Jésus à devenir des bâtisseurs d’une culture de la miséricorde… une révolution mondiale ! […] La révolution de la miséricorde. Elle a commencé en cette douce nuit de Noël avec toi et moi, où les bergers et les mages ont vénéré Jésus ensemble », explique l’évêque en rappelant que les trois dernières années de charité se sont achevées avec le Jubilé de la Miséricorde.

Reprenant les propos du Pape François qui appelle à « faire grandir une culture de la miséricorde, fondée sur la redécouverte de la rencontre des autres : une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit la souffrance des frères » (1), Mgr Schmitthauesler a invité chacun des fidèles à vivre de cet appel, en rappelant que Dieu a besoin de « chacun de nous pour faire le grand miracle de la miséricorde… source de la paix. Paix des cœurs. Paix dans le monde » (2). Puis, le vicaire apostolique de Phnom Penh a annoncé que les trois prochaines années (2017, 2018 et 2019) sont dédiées à la Famille, invitant les croyants à s’inspirer de « l’Enfant-Dieu de la crèche » afin de vivre ces années « avec enthousiasme, le cœur rempli de la Miséricorde de Dieu qui nous aime tant ! »

Offrir à la jeunesse cambodgienne un modèle familial

Mgr Schmitthaeusler rappelle qu’après la forte instabilité politique qui a suivi la guerre civile de 1970 et le régime des Khmers rouges de 1975 à 1993, l’éducation, la culture, la religion et l’économie ont été en grande partie détruites. « Aujourd’hui, 60 % de la population est âgé de moins de 22 ans. Cette jeune génération est née de parents qui ont vécu dans un mode de survie », marquée par « une coupure dans la transmission des valeurs ». « Cette nouvelle génération cherche un nouveau modèle familial, souvent inspiré des séries télévisées de Corée du Sud ou de Thaïlande, des réseaux sociaux : un modèle familial dans une société de consommation, avec un seul enfant, un modèle souvent égoïste et replié sur lui-même, cherchant son propre bonheur. Comment pouvons-nous donner aux jeunes un modèle familial qu’ils puissent suivre ? », interroge-t-il.

Evoquant le phénomène croissant de l’émigration, Mgr Schmitthaeusler invite à ne pas sous-estimer les conséquences sociales de l’expatriation d’une partie des familles cambodgiennes. « Environ 10 % de la population est à l’extérieur du pays pour travailler quelques années en Thaïlande, en Corée, en Malaisie ou à Singapour. Beaucoup d‘entre eux ont laissé de jeunes enfants à la maison avec leurs grands-parents. Les parents viennent rendre visite à leurs enfants une fois par an. Comment ces enfants « sans parents » peuvent-ils devenir de bons parents à l’avenir ? Ils rêvent eux aussi », interpelle l’évêque.

Autre défi important selon le vicaire apostolique de Phnom Penh: lutter contre le fléau de la pauvreté. « La racine de la violence, des drogues, de l’alcool et de la dépendance au jeu, c’est la pauvreté – pas de travail, pas d’argent et le microcrédit détruit plus qu’il ne construit. Evangelii Gaudium lance un appel urgent pour intégrer les pauvres dans la société (3) : « Donnez-leur vous-même à manger ! » Par l’intermédiaire des ONG catholiques et de de notre travail de charité dans chaque paroisse, nous essayons de donner de la dignité aux familles les plus pauvres, afin de les aider à construire leur vie, en ayant un travail, en envoyant leurs enfants à l’école et en pouvant prendre soin de leur santé… », rappelle-t-il.

 

Le défi de former et d’accompagner les mariages interreligieux

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mariage catholique khmer
@SokayTuy/Pinterest

 

Enfin, le vicaire apostolique aborde le défi actuel des nombreux mariages interreligieux. « 90% des catholiques khmers sont nouvellement baptisés. La majorité d’entre eux se marie avec un bouddhiste. Cela signifie qu’ils viennent d’une famille bouddhiste et retournent dans une famille bouddhiste. La préparation au mariage est une occasion d’enseigner la vision et les valeurs d’une famille catholique et aussi de leur demander d’éduquer leurs enfants dans la foi catholique. Mais après le mariage, nous perdons beaucoup d’entre eux !! C’est un grand défi pour l’Eglise d’accompagner ces nouveaux couples… Comment pouvons-nous avoir une formation et un suivi appropriés pour ces couples ? », questionne-t-il.

Un appel à l’écoute, à la formation et au témoignage

« Durant ces années, j’appelle d’ores et déjà notre Eglise à devenir toujours davantage une Eglise qui forme, suit et guide les adolescents et les jeunes au début de leur vie affective ; une Eglise qui témoigne de la miséricorde et de la tendresse de Dieu, une Eglise qui soit vraiment Mère et Père ; une Eglise qui écoute et voit les besoins des familles, entend leurs cris avec compassion et empathie pour éclairer leur mode de vie et leurs consciences, en particulier dans un contexte bouddhiste ; une Eglise qui appelle les familles catholiques à témoigner de la miséricorde, du dialogue, de la solidarité et de la paix pour toutes les familles au Cambodge et en Asie ! », a conclu l’évêque de Phnom Penh, invitant les fidèles à venir régulièrement contempler la vie familiale de la Sainte Famille pour s’inspirer de sa douceur et de sa paix.

Au Cambodge, 96% des 15,4 millions d’habitants sont bouddhistes. Les catholiques forment une petite communauté de près de 24 000 fidèles. Il existe actuellement trois territoires ecclésiastiques : le vicariat apostolique de Phnom Penh avec ses 14 500 catholiques qui représentent 0,24% de ses 6 millions d’habitants ; la préfecture apostolique de Battambang et ses 6 000 catholiques (0,11% de la population) pour 5,4 millions d’habitants ; et la préfecture apostolique de Kompong Cham qui compte près de 3 000 catholiques pour 4 millions d’habitants (0,08% de sa population). Les trois territoires ecclésiastiques qui recouvrent le territoire cambodgien et ses 15,4 millions d’habitants sont appelés vicariat ou préfectures apostoliques et n’ont pas, pour l’instant le rang canonique de diocèse (4).

(eda/nfb)