Eglises d'Asie

Des dizaines de milliers de personnes assistent aux funérailles du pasteur d’une des plus importantes « Eglises domestiques » du pays

Publié le 19/08/2013




Décédé le 3 août 2013 à l’âge de 88 ans, le pasteur Samuel Lamb, Lin Xiangao de son nom chinois, a été incinéré et ses cendres inhumées le 16 août dernier au cimetière Yinhe de Canton. La cérémonie des obsèques a été suivie par une foule importante, estimée à quelques dizaines de milliers de personnes, en dépit d’un changement de dernière minute, la date initialement prévue étant le 17 août. …

… Il semble que ce changement de date soit dû à la fois à des raisons de sécurité liées à l’encadrement de cette foule et au fait que les autorités ont sans doute ainsi cherché à limiter l’affluence des fidèles et proches du pasteur décédé.

Dans la grande métropole méridionale de Canton, le Rév. Samuel Lamb incarnait la résistance tranquille des milieux protestants à la politique de contrôle des activités religieuses menées par les autorités.

Né le 4 octobre 1924 dans une famille de chrétiens protestants, le jeune Lin Xiangao n’a pas 19 ans lorsqu’il prononce son premier prêche devant la petite communauté baptiste dirigée par son père, Paul Lamb. Après la prise du pouvoir par les communistes en 1949 et la mise en place de leur politique de répression religieuse, le jeune Samuel Lamb, devenu pasteur, refuse d’enregistrer sa communauté auprès du Mouvement des trois autonomies, la structure mise en place par le nouveau régime pour encadrer les chrétiens protestants. Il est arrêté en 1955 et emprisonné durant deux ans, avant d’être remis en liberté pour être de nouveau arrêté en 1958 et condamné à vingt ans de rééducation par le travail. Il témoignera plus tard avoir expérimenté la protection de Dieu sur sa personne alors qu’il peinait dans des conditions très dures au fond de mines de charbon puis au sein de fermes-prison. Il n’est libéré qu’en 1978, à l’expiration de sa peine ; quelques mois auparavant, son épouse est décédée et les autorités lui ont refusé la possibilité d’assister à ses obsèques.

Dès 1979, Samuel Lamb reprend son activité de prédication. Il rouvre un lieu de culte dans des bâtiments désaffectés d’une banlieue nord de Canton, où il explique aux visiteurs étrangers de passage qu’il lui est impossible de s’affilier au Mouvement des trois autonomies tant que les fonctionnaires de cet organisme lui interdisent de parler de l’Apocalypse, d’évoquer le retour du Christ ou bien encore d’accueillir dans son église les jeunes de moins de 18 ans.

Les arrestations et intimidations se succèdent mais n’empêchent pas le pasteur baptiste de poursuivre sa mission. Il devient connu à l’étranger et explique tranquillement que « plus la persécution se renforce, plus [sa] communauté grandit – pas uniquement numériquement mais spirituellement aussi ». Il veille aussi à distinguer le bon grain de l’ivraie, dans l’effervescence religieuse qui saisit alors la Chine. Face à la multiplication de mouvements religieux plus ou moins sectaires empruntant souvent au christianisme, il rédige en 2002 un ouvrage intitulé Les hérésies en Chine. Le télé-évangéliste américain Billy Graham lui rend visite ainsi que bon nombre de visiteurs étrangers et de diplomates. Les fidèles étant toujours plus nombreux, Samuel Lamb déménage son église dans un quartier plus central de Canton et, chaque dimanche, ce sont entre quatre et cinq mille personnes qui affluent aux quatre services religieux proposés.

Selon le site ChinaSource, émanation américaine des milieux évangéliques tournés vers l’évangélisation de la Chine, bien que le Rév. Samuel Lamb se montrait plus discret ces derniers temps du fait de son âge avancé, il conservait une position centrale parmi les protestants chinois, notamment par le fait qu’il était l’un des rares « piliers » survivants de l’époque d’avant la Révolution culturelle (1966-1976). Durant les années Deng Xiaoping, rappelle encore le site Internet, le pasteur, qui connaissant l’anglais, était l’une des quelques personnalités protestantes à pouvoir s’exprimer au nom des chrétiens protestants de Chine pour faire comprendre leur situation au monde extérieur. En 1996, la Far Eastern Economic Review avait fait sa Une avec le pasteur Samuel Lamb, les yeux tournés vers le ciel, une bible entre les mains, sous le titre : « Dieu est de retour ».

Pour World Watch Monitor (WWM), un site anglophone d’information sur les persécutions antichrétiennes, la disparition de Samuel Lamb « laisse un vide dans l’Eglise de Chine ». « Aux côtés d’autres personnalités comme Wang Mindao et Allen Yuan, il symbolisait le courage d’une Eglise qui avait connu une croissance absolument sans précédent dans l’histoire mondiale », peut-on lire sur le site de WWM.

De quelques millions au début des années 1950, les chrétiens protestants seraient aujourd’hui 80 millions en Chine. « Samuel Lamb a vécu dans une Chine qui a considérablement changé ces dernières décennies au point que les chrétiens jouissent aujourd’hui de plus de liberté, rappelle le WWM. Pourtant, il tenait à ce que les chrétiens ne tiennent pas ces changements pour acquis et pensent que rien ne pouvait leur arriver. Sa communauté n’était pas enregistrée officiellement, elle n’avait pas fait l’objet d’actions policières depuis plusieurs années, mais il persistait à se montrer méfiant vis-à-vis du gouvernement ».