Eglises d'Asie

En tournée à Macao, Hongkong et Taipei, le Chœur de la Chapelle Sixtine n’ira pas à Pékin

Publié le 23/08/2014




Jeudi 21 août, s’est ouvert à Hongkong la vente au public des billets pour le concert que donnera, au Centre culturel de Tsim Sha Tsui, le Chœur de la chapelle Sixtine. L’événement exceptionnel – c’est la première fois dans l’histoire que se produira à Hongkong ce chœur qui figure au nombre des plus anciennes …

… chorales religieuses du monde – fait partie d’une tournée de cinq jours que les chanteurs, qui accompagnent normalement les célébrations liturgiques du pape, effectueront le 19 septembre prochain à Macao, le 21 à Hongkong et le 23 à Taipei (Taiwan).

L’information principale de cette actualité culturelle ne réside toutefois pas dans le fait que les chanteurs feront escale à Macao, Hongkong et Taipei. Selon nos informations, il était en effet initialement prévu que le chœur se produise à Pékin et sans doute dans d’autres villes du pays. Des négociations en ce sens entre le Saint-Siège et le gouvernement chinois avaient été menées ces derniers temps et devaient aboutir à ce qui aurait alors été présenté comme un geste diplomatique et culturel majeur. A l’évidence, ces négociations n’ont pas abouti.

Le projet de tournée du Chœur de la chapelle Sixtine s’inscrivait à la suite du concert exceptionnel – c’était, là aussi, une première – donné, le 7 mai 2008, dans la salle Paul VI du Vatican par l’Orchestre philarmonique de Chine et le Chœur de l’opéra de Shanghai. A l’issue du concert, le pape Benoît XVI avait salué les officiels chinois présents et déclaré qu’un tel événement témoignait qu’il « était possible, dans des environnements culturels différents, d’apprécier les manifestations sublimes de l’esprit ». Dans l’esprit des hauts responsables du Vatican, la mise en place d’une « diplomatie culturelle » entre le Saint-Siège et la Chine faisait écho à « la diplomatie du ping-pong », qui, en avril 1971, avait précédé l’établissement de relations diplomatiques entre les Etats-Unis du président Nixon et la Chine populaire de Mao Zedong.

On peut noter qu’afin de placer la tournée du Chœur de la chapelle Sixtine sous une dimension strictement culturelle – et non religieuse –, le comité organisateur avait pris soin d’annoncer la visite du Chœur dès la mi-juillet, soit bien avant la visite du pape en Corée (1).

Selon les observateurs, même si elle a échoué, la tentative de faire résonner le Chœur de la chapelle Sixtine dans la capitale chinoise s’inscrit dans les manifestations de bonne volonté que le Saint-Siège a multipliées ces derniers temps à destination de Pékin. A l’occasion de son récent voyage en Corée du Sud, le pape François a amplement souligné la disposition du Saint-Siège à négocier avec Pékin. « Le Saint-Siège est toujours ouvert aux contacts, parce qu’il a une véritable estime pour le peuple chinois », affirmait ainsi le pape en réponse aux questions des journalistes dans l’avion qui le ramenait de Séoul à Rome.

A l’aller comme au retour, l’avion papal avait reçu des autorités chinoises l’autorisation de survol du territoire chinois, là où, vingt-cinq ans plus tôt, l’avion de Jean-Paul II se l’était vu refuser. Toujours dans l’avion du retour, le pape avait dit sa volonté à se rendre en Chine, « dès demain ! » si possible, précisant toutefois : « Nous respectons le peuple chinois, l’Eglise demande seulement la liberté de faire son métier, son travail, aucune autre condition. »

Toujours selon nos informations, une session de négociations a effectivement eu lieu à Rome au mois de juin dernier entre des représentants des autorités chinoises et des responsables du Saint-Siège, mais rien n’a filtré quant à son contenu ou son aboutissement.

Du côté chinois, les signaux envoyés par Pékin sont délicats à interpréter. L’autorisation de survol accordée à l’avion papal peut signifier que les autorités chinoises « souhaitent la détente » avec Rome, analyse Wang Meixiu, chercheur à l’Académie chinoise des sciences sociales, dont les propos sont cités dans un article du Global Times, journal appartenant au groupe éditant le Quotidien du peuple. Et, le jour de l’atterrissage du pape à Séoul, le ministère chinois des Affaires étrangères a dit « la volonté » de la Chine de « continuer à travailler avec le Vatican à travers un dialogue constructif afin de promouvoir les relations bilatérales ».

Face à ces signaux plutôt positifs, d’autres le sont moins. Ainsi, si une soixantaine de jeunes catholiques et des prêtres chinois ont pu prendre part aux VIèmes Journées asiatiques de la jeunesse, organisées en même temps que le voyage du pape en Corée du Sud, d’autres (presqu’autant) n’ont pas pu ou oser venir, suite aux nombreuses pressions exercées en Chine par les officiels locaux. Par ailleurs, fin juillet à Pékin, le Bureau des Affaires religieuses a organisé une session de formation à l’attention des évêques « officiels » et il a fait en sorte que les évêques en communion avec Rome se retrouvent à concélébrer la messe à la cathédrale aux côtés des quelques évêques qui ne sont pas en communion avec le pape et qui se trouvent en situation d’excommunication. Enfin, dans la province du Zhejiang, la campagne en cours visant les temples protestants ainsi que les églises catholiques ne semble pas devoir prendre fin ; les destructions de lieux de culte se poursuivent.

Quel serait l’intérêt pour la Chine d’aboutir à un accord avec le Saint-Siège, peut-on alors s’interroger. En mai 2008, lorsque l’Orchestre philarmonique de Chine se produisait devant Benoît XVI, la Chine s’apprêtait à ouvrir les XXIXèmes Olympiades de l’ère moderne et le régime chinois cherchait alors à présenter un visage avenant. Aujourd’hui, la montée en puissance de la Chine est perçue comme potentiellement menaçante par nombre de ses voisins immédiats et plus lointains. En termes d’image, une normalisation des relations avec le Saint-Siège viendrait donc adoucir cette image, en présentant le visage d’une Chine « souriante ». Sur le fond, demeure toutefois une incertitude quant à l’attitude que souhaitent adopter le président Xi Jinping et les six autres membres du Comité permanent du Bureau politique du PCC. A ce jour, les sept dirigeants chinois n’ont pas montré de désir d’amender la politique exercée envers les religions : la tendance semble au contraire aller dans le sens d’un contrôle renforcé.

Quant au pape François, toujours dans l’avion du retour qui le ramenait de Séoul à Rome, il s’est référé à « la lettre essentielle adressée aux Chinois par le pape Benoît XVI [le 30 juin 2007]. Cette Lettre reste d’actualité. Cela fait du bien de la relire ». A la fin du chapitre 4 de cette lettre, Benoît XVI assurait de la disponibilité du Saint-Siège à dialoguer avec les autorités civiles de la Chine et rappelait la position de l’Eglise sur la liberté religieuse : « (…), la solution des problèmes existants ne peut être recherchée à travers un conflit permanent avec les Autorités civiles légitimes ; dans le même temps, une complaisance envers ces mêmes Autorités n’est cependant pas acceptable quand ces dernières interfèrent de manière indue dans des matières qui concernent la foi et la discipline de l’Eglise. »

(eda/ra)