Eglises d'Asie

Forte mobilisation des chrétiens de Sabah contre la politique religieuse du gouvernement

Publié le 03/10/2014




Les chrétiens de Sabah se mobilisent pour affirmer leur détermination à défendre la liberté religieuse en Malaisie. Ils dénoncent la politique du gouvernement central en exigeant de celui-ci qu’il laisse les non-musulmans vivre comme ils l’entendent. Ils demandent notamment que les mesures législatives prises …

… par les administrations chargées de l’islam ne soient pas appliquées aux non-musulmans.

C’est le 16 septembre dernier que plusieurs associations chrétiennes de Sabah ont lancé leur mouvement, en publiant une « Déclaration en 30 points » par laquelle ils accusent le système judiciaire d’être « de manière toujours plus évidente enclin à défendre la suprématie de la race [malaise] et de la religion [musulmane] plutôt que d’être fidèle à sa vocation de défendre la suprématie de la Constitution [fédérale] ».

« Même si l’islam est la religion officielle de la Fédération [de Malaisie], les fidèles des autres religions et croyances devraient voir respectés leur droit constitutionnel et leur liberté à professer, pratiquer, propager et organiser leurs religions respectives sans interférence ni intervention de l’Etat », affirment ces responsables chrétiens.

Pour marquer leur détermination, les organisateurs de la manifestation avaient décrété trois jours de « mamangkis », reprenant à cette occasion un vieux cri de guerre que leurs ancêtres, alors animistes, poussaient pour fédérer leurs troupes avant la bataille contre l’ennemi commun. Durant trois jours, rencontres, manifestations et conférences se sont succédé au Kadazan Dusun Cultural Association Hall de Penampang, localité proche de Kota Kinabalu, capitale de Sabah, et centre historique des Kadazans, une des ethnies indigènes de Sabah.

La date du 16 septembre n’avait pas été choisie au hasard : elle coïncide avec le Malaysia Day, qui marque la fondation, en 1963, de la Fédération de Malaisie, avec l’union de la Malaya (la Malaisie péninsulaire), de Bornéo Nord (Sabah), de Sarawak et de Singapour (lequel sera expulsé de la Fédération en 1965). Les orateurs qui se sont succédé à la tribune ont souligné à cette occasion que les deux Etats de la Malaisie orientale, Sabah et Sarawak, n’avaient rejoint la Fédération de Malaisie que sur la base du respect par Kuala Lumpur de l’accord en 20 points (pour Sabah) et de l’accord en 18 points (pour Sarawak). Ces accords avaient notamment pour fonction de protéger les particularismes de ces deux territoires de Bornéo, particularismes découlant notamment du fait que ces deux Etats comptaient une majorité de chrétiens face à une péninsule malaise très majoritairement musulmane.

Or, s’indignent les responsables chrétiens de Sabah, la liberté religieuse des chrétiens est de plus en plus menacée. Sous prétexte que le principal journal catholique du pays, The Herald à Kuala Lumpur, s’est vu interdire d’utiliser le mot ‘Allah’ pour dire Dieu dans ses colonnes en malais, les chrétiens de Sabah et de Sarawak, qui utilisent le mot ‘Allah’ pour dire Dieu en malais et dans leurs différentes langues, sont en butte aux édits et autres mesures prises en différentes régions du pays pour interdire aux non-musulmans l’usage du mot ‘Allah’ ou limiter la circulation de la Al-Kitab (‘Le Livre’, la Bible traduite en bahasa malaysia, la langue malaise). Ces responsables chrétiens dénoncent aussi les manœuvres frauduleuses – et non sanctionnées par la justice – menées auprès de certaines communautés chrétiennes de Sabah pour les amener à se convertir à l’islam (une affaire en ce sens a défrayé la chronique en décembre dernier mais n’a reçu aucune suite judiciaire).

Esther Golingi, présidente du PAN (Perpaduan Anak Negeri Sabah), affirme représenter plusieurs dénominations protestantes de Sabah. Elle explique que ces trois jours de « mamangkis » visaient à forger une unité entre les différents groupes chrétiens de Sabah. Selon elle, « la liberté religieuse telle qu’elle est pourtant inscrite dans la Constitution fédérale n’est plus défendue » et elle en appelle au Premier ministre, Najib Razak. « Nous voulons que le Premier ministre se prononce [sur ces questions]. Il n’est pas le Premier ministre des seuls Malais mais le Premier ministre de tous les Malaisiens », affirme-t-elle encore.

Selon les observateurs, la mobilisation des chrétiens de Sabah témoigne de leur impatience face à ce qu’ils perçoivent comme une évolution dangereuse du pouvoir central. Les deux Etats de l’île de Bornéo réunissent les deux tiers des 2,6 millions de chrétiens de Malaisie, qui eux-mêmes forment une minorité d’un peu moins de 10 % de la population. La polémique qui a cours en Malaisie péninsulaire sur l’usage du mot ‘Allah’ par les non-musulmans n’y a jamais été comprise, mais elle soulève de plus en plus de colère et de frustration chez les chrétiens de ces deux Etats, qui ressentent vivement les agissements du gouvernement central visant à diviser le pays selon des lignes de fracture ethniques et religieuses.

(eda/ra)