Eglises d'Asie – Chine
Hongkong : le gouvernement décidé à employer la force contre les manifestants
Publié le 01/12/2014
Alors que le mouvement Occupy Central donnait des signes d’essouflement ces dernières semaines, se heurtant aux fins de non-recevoir successives de la part des autorités et aux menaces de Pékin, les affrontements entre les forces de l’ordre et les quelques milliers, voire les quelques centaines d’irréductibles qui occupent encore le quartier d’Admiralty de Hongkong, se multiplient et se durcissent.
La semaine dernière, la Cour suprême a ordonné l’évacuation de la zone de Mongkok, et les barricades des contestataires ont été démantelées de force par la police, malgré la forte résistance des manifestants. Dans cette première véritable action de force du gouvernement de Hongkong, 150 opposants ont été interpellés, parmi lesquels les leaders étudiants Joshua Wong et Lester Shum.
Les protestataires redoutent désormais que les autorités ne réservent le même sort au site d’Admiralty, où des centaines de tentes sont toujours installées sur ce qui était jusqu’à récemment une autoroute urbaine à neuf voies.
Ce dernier incident a éclaté hier soir, lorsque les membres d’Occupy Central ont appris qu’un groupe de députés britanniques s’étaient vu refuser par Pékin leur visa pour Hongkong. Ils devaient s’y rendre dans le cadre d’une enquête sur l’application de la Déclaration commune signée entre la Grande-Bretagne et la Chine en 1984, ainsi que sur les progrès dans la mise en place de la démocratie au sein de l’ancienne colonie britannique, comme Pékin s’y était engagé (1).
Cette volonté d’isoler toujours davantage les contestataires pro-démocrates en les coupant de tout soutien, qu’il vienne de l’intérieur du pays comme de l’étranger, sans qu’ils aient pu non plus obtenir, après plus de deux mois de manifestations et sit-in pacifiques ininterrompus, ne serait-ce qu’un signe de dialogue de la part des autorités hongkongaises, a mis le feu aux poudres.
Vers 21 heures, dimanche 30 novembre, plusieurs centaines d’étudiants ont afflué vers les bâtiments du gouvernement, à Long Wo Road, une artère proche du site principal occupé d’Admiralty. Les manifestants se sont heurtés rapidement aux forces de l’ordre qui les ont repoussés avec une grande violence, attestée par les enregistrements vidéos des affrontements. On y voit la police chargeant des étudiants à coups de matraques, les dispersant avec des canons à eau et des gazs au poivre. Les forces de l’ordre se sont justifiées en disant que les manifestants avaient riposté en lançant des briques et des bouteilles.
Plus d’une quarantaine de blessés, avec des plaies ouvertes à la tête, ont été emmenés à l’hôpital et, selon la police, environ 45 personnes ont été arrêtées, dont des journalistes. Les manifestants et les membres de la presse, photos et vidéos à l’appui, ont porté plainte pour brutalités policières
Malgré les violences de la nuit, des centaines de manifestants continuaient d’affluer tôt ce matin sur les lieux de l’affrontement, scandant « Nous voulons le suffrage universel ! ». Portant des lunettes protectrices et les symboliques parapluies devenus l’emblème de leur « révolution », les étudiants ont tenu à montrer leur détermination avant de se disperser.
« J’ai déjà souligné que le mouvement pro-démocratie Occupy Central était non seulement illégal mais aussi voué à l’échec », a déclaré le chef de l’exécutif Leung Chun-ying aux journalistes, lors d’une conférence presse qui s’est tenue ce lundi en fin de journée. « La police a été tolérante jusqu’ici, mais dorénavant, elle appliquera la loi sans hésitation. »
Les événements de la nuit et les déclaration du chef du gouvernement n’ont cependant pas empêché les leaders du mouvement contestaire, de considérer ce dernier affrontement comme un succès. « Le siège du gouvernement était paralysé ce matin, s’est félicité Alex Chow, de la Fédération des étudiants de Hongkong. « Nous n’avons pas atteint notre but, mais nous avons montré que nous ne céderions pas », a-t-il ajouté. Ce lundi, les bureaux du gouvernement en effet étaient fermés et sous haute sécurité tandis que le Conseil législatif (Legco) avait suspendu ses séances.
Quant au leader étudiant Joshua Wong, lequel s’exprimait ce soir sur le site de l’Admiralty, il a déclaré devant des centaines de manifestants rassemblés sous la pluie, qu’il allait, avec un autre militant, commencer une grève de la faim afin de faire pression sur la Chine pour « qu’elle tienne ses promesses concernant la démocratie ».
« Nous ne pouvons pas espérer gagner immédiatement, soulignait le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, lors d’un symposium organisé par l’agence AsiaNews le 18 novembre dernier à Rome, au sujet des manifestations de Hongkong auxquelles le cardinal de 82 ans avait toujours apporté son soutien inconditionnel. « Mais tant que nous disposons de la liberté d’expression, nous devons poursuivre la lutte, même si la victoire n’est pas pour tout de suite ». Le cardinal Zen, qui, il y a peu encore, encourageait les manifestants à ne pas céder face aux menaces de Pékin, avait cependant critiqué les leaders étudiants qui selon lui « étaient allés trop vite » et avaient cru qu’ils pourraient gagner facilement. « Nous devrions rester unis comme nous l’étions au début de la manifestation, mais les leaders étudiants ont commencé à agir isolément, sans nous écouter. »
Peu avant les événements de Long Wo Road, le cardinal John Tong Hon, actuel évêque de Hongkong, avait également mis en garde les meneurs d’Occupy Central contre un conflit frontal avec les autorités. Le 26 novembre dernier, dans une circulaire intitulée « Appel urgent du diocèse catholique de Hongkong », le prélat demandait aux deux parties « au regard de ce qui s’était passé à Mongkok », d ‘avoir « l’une envers l’autre une attitude de modération, de respect et de non-violence ».
Selon l’Apple Daily, journal pro-démocrate appartenant à l’un des plus importants soutiens financiers d’Occupy Central, les leaders du mouvement de protestation envisageraient de se rendre aux autorités le 5 décembre prochain. Le journal affirme ainsi que les principaux chefs de file du mouvement de désobéissance civile, tels Benny Tai, Chan Kin-man, Chu Yiu-ming, ainsi que les policticiens pro-démocrates Richard Tsoi et Josephine Chan, considéraient sérieusement la possibilité de se remettre entre les mains de la police s’il devenait impossible d’éviter l’escalade de la violence et ce, afin d’éviter « un nouveau Tiananmen ».
Parmi ces leaders d’Occupy Central figure également le cardinal Zen, lequel avait déclaré, non sans humour, en conclusion de son allocation le 18 novembre à Rome : « Quand je serai de retour à Hongkong, je pourrai me livrer moi-même à la police pour avoir commis un acte de désobéissance civile ; si tout va bien, ils me mettront en prison pendant quelques jours, et j’aurai le temps de prier pour vous tous. »
(eda/msb)