Eglises d'Asie

Au sanctuaire marial de Madhu, le pape appelle Tamouls et Cinghalais à un examen de conscience

Publié le 14/01/2015




Au deuxième jour de sa visite apostolique au Sri Lanka, le pape François s’est rendu au sanctuaire marial de Madhu, situé dans la Province du Nord, sur le territoire du diocèse de Mannar, dans une région à majorité tamoule. 

Dans ce haut-lieu du christianisme au Sri Lanka, isolé en pleine jungle, est vénérée une statue de la Vierge Marie donnée en 1583 par des Portugais à des villageois. Le pape, accueilli par l’évêque du lieu, Mgr Rayappu Joseph, a prié pour qu’à travers « une vraie guérison pour tous » et « une réconciliation plus grande », les deux communautés de l’île, Tamouls et Cinghalais, puissent « reconstruire l’unité qui a été perdue ».

La foule était venue en rangs serrés pour accueillir le pape François, qui est le premier pape à fouler la terre d’un sanctuaire connu de tous au Sri Lanka et fréquenté aussi bien par les chrétiens que par des bouddhistes, des hindous et des musulmans. Le pape a souligné combien « chaque pèlerin peut se sentir chez lui » dans ce sanctuaire, « en sécurité (…) dans sa maison ». « Nous nous trouvons dans la demeure de notre Mère », a-t-il commencé.

Le pape a rappelé « les immenses souffrances » endurées par les familles « durant le long conflit qui a lacéré le cœur du Sri Lanka » et qui n’avait pas épargné le sanctuaire marial, au point que durant la dernière phase de la guerre, la statue de la Vierge avait dû être mise à l’abri dans l’église du village côtier de Thevanpiti, à une soixantaine de kilomètres de là. « Aucun Sri Lankais ne peut oublier les tragiques événements associés à ce lieu, comme le triste jour où la vénérable statue de Marie (…) a été enlevée de son sanctuaire », a dit le pape.

Développant ensuite une méditation sur la présence de Marie au pied de la Croix qui n’abandonne pas son Fils crucifié, le pape a affirmé que la Mère de Dieu « n’avait jamais abandonné ses enfants sri-lankais souffrants ». Il a poursuivi par un appel à « restaurer la paix dans les cœurs meurtris », demandant à chacun un examen de conscience. Ne cachant pas la difficulté « de pardonner et de trouver la paix », le pape François a assuré de la volonté de la Vierge Marie de « guider les Sri Lankais vers une réconciliation plus grande » afin de parvenir à « une vraie guérison pour tous ». Le chemin vers la paix véritable est toutefois étroit, a indiqué le pape : « c’est seulement quand nous arrivons à comprendre, à la lumière de la Croix, le mal dont nous sommes capables, et auquel peut-être nous avons pris part, que nous pouvons faire l’expérience d’un vrai remords et d’un vrai repentir ».

A l’image de la statue de la Vierge revenue dans son sanctuaire après la guerre, le Saint-Père a cependant voulu voir dans les efforts des Sri Lankais des deux communautés tamoule et cinghalaise pour retrouver la paix, le signe d’une possible « reconstruction de l’unité qui a été perdue ». Il avait auparavant souhaité demander à Marie d’implorer la grâce « de la miséricorde de Dieu » et celle de « réparer [les] péchés et tout le mal que cette terre avait connu ».

Avant la dernière phase de la guerre civile, le sanctuaire de Madhu était fréquenté chaque année par des centaines de milliers de pèlerins, – les deux fêtes principales étant la Visitation, célébrée au Sri Lanka le 2 juillet, et l’Assomption, le 15 août, – Les pèlerins commencent à y affluer de nouveau, depuis que la reconstruction du site et les opérations de déminage sont achevées .

L’origine du sanctuaire remonte à 1658, lorsque le colonisateur hollandais, calviniste, interdit le culte catholique. Les pêcheurs du village de Mantai, non loin de Mannar, décident alors de fuir la côte en emportant avec eux la statue offerte en 1583 par des Portugais. En pleine jungle, ils construisent une chapelle et rapidement voient en Marie une figure protectrice et bienfaisante – protectrice des dangers que représentent les serpents venimeux, nombreux dans la jungle, et bienfaisante car son invocation guérit les malades et apporte la fécondité à des couples stériles.

Au XIXe siècle, sous le colonisateur britannique, les persécutions contre les catholiques ayant cessé, le sanctuaire attire à lui des foules toujours plus nombreuses. Au cours de la longue guerre qui a opposé les séparatistes tamouls à l’armée gouvernementale, le sanctuaire a servi, de 1997 à 2002, puis de 2004 à 2009, de camps de personnes déplacées. Les conditions de vie y ont été particulièrement difficiles et les mémoires ont été marquées par les deux bombardements subis par le sanctuaire, en novembre 1999 (44 victimes dans l’explosion d’un obus tombé sur la chapelle du Saint-Sacrement), puis en mars 2008 (17 hindous tués par des tirs).

Pendant toute la durée du dernier épisode de la guerre civile qui s’est achevé en 2009,  le sanctuaire dédié à Notre-Dame du Rosaire n’a jamais pu, malgré les demandes répétés des évêques, obtenir de Colombo le statut de zone de paix ni même bénéficier d’un cessez-le-feu.
 

Après la canonisation de Joseph Vaz le matin même à Colombo, le pape avait gagné Madhu, situé trois cents kilomètres au nord, en hélicoptère. A son arrivée au sanctuaire, il avait parcouru la foule en papamobile. Visiblement détendu et heureux de rencontrer les familles tamoules et cinghalaises rassemblées là, il avait embrassé des enfants et des malades. Il devait repartir immédiatement, toujours en hélicoptère, vers Colombo, d’où il s’envolera demain jeudi pour la deuxième partie de ce voyage en Asie, à savoir une visite de quatre jours aux Philippines.

(eda/ra)