Eglises d'Asie – Chine
Hebei : plusieurs arrestations au sein de la communauté catholique « clandestine »
Publié le 27/05/2015
… au Cœur immaculé de Marie a été détruit.
Selon les informations de l’agence Ucanews, Mgr Julius Jia Zhiguo a été interpellé par les autorités le 12 mai dernier, avant d’être remis en liberté le 24 du même mois, juste à temps pour célébrer la messe de la Pentecôte dans sa cathédrale. Agé de 80 ans, évêque de Zhengding, Mgr Jia est un évêque « clandestin » dans la mesure où il refuse de s’affilier à l’Association patriotique des catholiques chinois, la structure « officielle » par laquelle le pouvoir en place exerce son contrôle sur l’Eglise catholique en Chine ; ses arrestations par la police au cours de ces quinze dernières années ne se comptent plus tant elles ont été fréquentes. Cette fois-ci, les motifs de sa détention au secret durant douze jours sont incertains. Une source catholique de Zhengding suppose que les autorités ont pu ne pas apprécier le fait qu’en avril, Mgr Jia a ordonné plusieurs prêtres ; l’évêque aurait aussi été mis en garde contre toute participation de sa part aux traditionnels pèlerinages mariaux qui sont organisés par les catholiques en mai. Cette même source ajoute que les autorités ont récemment décrété que « le personnel religieux », sans précision d’appartenance religieuse, devait désormais rapporter aux autorités compétentes ses lieux de résidence.
Dans la même province du Hebei, mais un peu plus au nord, dans le bastion catholique de Baoding, un prêtre « clandestin », le P. Liu Honggeng, a disparu de la circulation depuis le 7 mai, dernier jour où il s’est entretenu au téléphone avec des proches. « Son portable est coupé. Nous, les catholiques, nous avons demandé aux services compétents de l’administration où il était, mais nous n’avons pas eu de réponse », indique une autre source catholique qui requiert l’anonymat pour des raisons de sécurité.
Informée de cette disparition, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Hongkong a demandé des informations aux autorités chinoises, mais là aussi en vain. Selon Or Yan-yan, porte-parole de la Commission, il est très probable que le prêtre ait été « retiré » de la circulation par les autorités afin d’exercer sur lui des pressions.
Le P. Liu avait été arrêté le 27 décembre 2006 en compagnie de huit autres prêtres « clandestins » de Baoding, les autorités cherchant à les contraindre à s’enregistrer auprès des structures « officielles ». Après huit ans de détention sans jugement, il avait été remis en liberté en août dernier, refusant toujours de rejoindre les rangs du clergé « officiel ».
Enfin, troisième incident, à nouveau dans le diocèse de Baoding, la police a investi un lieu de culte « clandestin » juste avant les fêtes de la Pentecôte. Vendredi 22 mai, une quarantaine de membres des forces de l’ordre ont opéré une descente dans la localité d’Anzhuang, à environ 200 km au nord de Baoding, pour détruire un autel construit en plein air. Edifié dans une cour en février dernier, peu avant le Nouvel An chinois, l’autel était dédié au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur immaculé de Marie ; il était dans le collimateur de la police, pour qui la structure avait été édifiée sans les autorisations nécessaires.
Selon Ucanews, deux femmes ont été blessées par la police alors que les catholiques tentaient d’empêcher la police de détruire l’autel en question. Anzhuang est le lieu de résidence de Mgr Francis An Shuxin, évêque coadjuteur de Baoding. Mgr An a passé dix années en prison, de 1996 à 2006, avant d’être libéré et d’accepter, en 2009, d’adhérer à l’Association patriotique. Un an plus tard, il était installé par le gouvernement en tant qu’ordinaire du diocèse de Baoding, titre qu’une bonne partie du clergé local et des fidèles lui nie, les catholiques « clandestins » lui reprochant d’avoir accepté de céder aux autorités alors même que l’évêque en titre de Baoding, Mgr James Su Zhimin, est détenu au secret depuis 1997. Contacté par téléphone à propos de la destruction de l’autel « clandestin », Mgr An a répondu : « Ce sont des catholiques « clandestins » et ils n’acceptent pas mon autorité. Je ne pense pas que je puisse les aider. »
Légende photo : A Anzhuang, l’autel « clandestin » avant sa destruction par la police le 22 mai 2015. DR
Ces incidents concernant les communautés « clandestines » du Hebei interviennent alors que depuis des mois une campagne visant les lieux de culte protestants et catholiques, « officiels » ou « clandestins », a lieu au Zhejiang, une province côtière située mille kilomètres plus au sud. Ils se produisent également alors que, ce 20 mai, le président Xi Jinping a, dans un discours au Front uni, réaffirmé les principes gouvernant la politique religieuse des autorités, à savoir que la tolérance du Parti envers les religions n’existe que dans la mesure où celles-ci acceptent de servir les desseins menant à « la réalisation du rêve chinois du grand renouveau de la nation chinoise ».
Signe toutefois d’une nervosité grandissante des autorités face au renouveau de la pratique religieuse au sein de la population chinoise, jusque et y compris au sein du Parti, la toute-puissante Commission centrale d’inspection de la discipline vient de rappeler, dimanche 24 mai, que toute pratique religieuse et toute croyance religieuse étaient interdites aux 86,7 millions de membres du Parti communiste chinois. « Le fait qu’un petit nombre de membres du Parti ont abandonné le matérialisme dialectique (…) et se sont tourné vers la religion est l’objet d’une grave préoccupation, au point que ce phénomène tombe désormais sous le coup d’actions disciplinaires. (…) Marx lui-même a clairement indiqué que le communisme, dans son essence, commence avec l’athéisme », peut-on lire dans l’article publié par la Commission.
(eda/ra)