Eglises d'Asie

Que retenir de la réunion au sommet sur les religions que vient de présider Xi Jinping ?

Publié le 27/04/2016




Les 22 et 23 avril dernier, une réunion sur la religion et la politique religieuse du Parti et du gouvernement a été présidée à Pékin par Xi Jinping. Tenue à huis clos, cette réunion n’a pas donné lieu à une communication détaillée de la part des autorités chinoises, mais, à lire les dépêches de Xinhua, …

… l’agence de presse officielle, le président chinois y a réitéré la substance d’un discours prononcé en mai dernier, à savoir que l’œuvre de sinisation des religions devait être poursuivie afin que le pays soit préservé de toute « infiltration venue de l’étranger ».

C’est peu de dire que la réunion qui s’est tenue à Pékin durant ces deux jours était attendue. Un sommet sur la politique religieuse du Parti avait été annoncé l’an dernier comme devant se tenir avant décembre 2015, mais rien n’était venu. Cette fois-ci, outre Xi Jinping, c’est la quasi-totalité des membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti – à savoir le cœur du pouvoir – qui étaient présents sur l’estrade pour cette réunion où se trouvait également le Premier ministre Li Keqiang. Les plus hauts dirigeants chinois ont pris la parole devant les membres du Comité permanent du Comité central du Parti et les responsables du Front uni, l’instance qui chapeaute la mise en œuvre de la politique religieuse du Parti. La dernière réunion de ce type remonte à 2001.

Maintien des principes d’indépendance et d’auto-administration des instances religieuses

Pour autant, à en juger par les dépêches de Xinhua, aucune inflexion n’a été donnée par les dirigeants chinois à leur politique religieuse. Xi Jinping a redit « l’importance particulière » que les affaires religieuses revêtaient pour le Parti et le gouvernement, signe sans doute de l’inquiétude latente des dirigeants chinois face au renouveau religieux que vit leur pays depuis une trentaine d’années. Il a aussi à nouveau promis qu’il appliquerait pleinement la politique du Parti en matière de liberté religieuse, de gestion des affaires religieuses conformément au droit, de maintien des principes d’indépendance et d’auto-administration des instances religieuses ou bien encore de l’accompagnement des religions en vue de leur adaptation à la société socialiste.

« Nous devons guider et éduquer les cercles religieux et leurs adeptes aux valeurs socialistes fondamentales, et guider les personnes religieuses vers les idées d’unité, de progrès, de paix et de tolérance », a déclaré le président chinois, rapporte l’agence Chine Nouvelle. Les groupes religieux doivent « puiser profondément dans leurs corpus de doctrine pour agir en faveur de l’harmonie sociale et du progrès, se montrer disposés à édifier une société saine et civilisée, et interpréter leurs doctrines religieuses d’une manière qui soit propice au progrès de la Chine moderne et cohérente avec l’excellence de notre culture traditionnelle », a poursuivi Xi Jinping, non sans développer un couplet familier : « Nous devons résolument nous garder contre toute infiltration étrangère menée au nom de la religion et nous prémunir contre toute incursion idéologique par des extrémistes. »

« Rien de bien concret »

Pour nombre d’observateurs, il semble difficile de trouver une inflexion nouvelle dans ce discours. Contacté par le quotidien sud-coréen Chosun Ilbo, un pasteur protestant, le Rév. Su Tianfu, à la tête de l’Eglise Huoshi, une communauté protestante du Guizhou non enregistrée auprès des autorités civiles, souligne que « si la Constitution chinoise garantit depuis longtemps la liberté religieuse, cela ne suffit pas à assurer un exercice réel de cette liberté ». Membre d’une communauté régulièrement harcelée par les autorités, le pasteur ajoute qu’il lui est difficile de se montrer « optimiste » après cette rencontre au sommet des 22 et 23 avril. Avocat engagé dans la défense des chrétiens, Li Guisheng abonde dans le même sens : « Il n’y a rien de bien concret dans ce qui a été dit. Ce que l’on appelle les ‘Eglises domestiques’ sont nombreuses à travers le pays. Peut-on au moins répondre à cette simple question : ces communautés peuvent-elles s’enregistrer [auprès des autorités] ? Tout le reste, tous ces discours au sujet du marxisme, du socialisme et de la religion, ce ne sont que des mots vides. »

D’autres mettent en avant qu’aucune annonce n’a été faite dans le sens d’une redéfinition du cadre juridique dans lequel les religions évoluent en Chine. Ces dernières années, des membres de l’Académie chinoise des sciences sociales ont fait valoir qu’il serait bien de sortir du cadre étroit des cinq religions officiellement reconnues (bouddhisme, taoïsme, catholicisme, protestantisme, islam) pour entrer dans un nouveau système où l’Etat se cantonnerait dans un rôle neutre de garant de la liberté religieuse. Professeur à Purdue University, aux Etats-Unis, le sociologue Yang Fenggang estime que ce cadre juridique existant, même s’il est devenu caduque par rapport aux réalités de la société chinoise d’aujourd’hui, laisse une grande latitude aux autorités chinoises qui peuvent dire, à leur guise, qui, parmi les instances religieuses, à droit de cité ou qui doit être réprimé.

Yang Fenggang trouve par ailleurs « significatif » le fait que Xi Jinping n’a pas cité la province du Zhejiang parmi les quatre provinces où, selon lui, les affaires religieuses sont bien gérées. Les communautés chrétiennes subissent depuis plus de deux ans une campagne d’abattage des croix érigées sur les lieux de culte, et le simple fait que le président Xi n’a pas cité le Zhejiang parmi elles signifie peut-être que cette campagne n’a pas vocation à s’étendre à d’autres provinces.

Mise en garde contre « les influences étrangères »

Quant aux remarques sur la sinisation des religions et la mise en garde contre les « influences étrangères », ce sont là des antiennes anciennes qui n’ont certes rien de rassurant mais dont l’application concrète est à géométrie variable. Selon Antony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit, à Hongkong, « personne ne sait vraiment, en dehors sans doute des dirigeants chinois eux-mêmes, ce que recouvre cette notion de sinisation ». A l’évidence, les catholiques, dans leur lien à Rome, sont visés lorsqu’il est fait mention d’« influences étrangères », mais là encore ce rappel n’empêche pas nécessairement le maintien de contacts avec le Saint-Siège.

Selon William Nee, chercheur à Hongkong pour Amnesty International, « le Parti communiste continue de faire passer le message selon lequel il doit y avoir une nette séparation entre la participation à la vie religieuse et la participation à la vie politique, sauf qu’en réalité, il est exigé des croyants de soutenir le Parti ».

(eda/ra)