Eglises d'Asie – Chine
Le 24 mai 2016, un évêque illégitime a ordonné neuf prêtres catholiques
Publié le 27/05/2016
… quotidienne « pour tous les Chinois, pour ce grand pays afin que le Seigneur bénisse la Chine ». Ce 24 mai, onze nouveaux prêtres ont été ordonnés en Chine. Partout ailleurs dans le monde, de telles ordinations ne feraient pas une « nouvelle » et ne reflèteraient que le plus ou moins fort dynamisme d’une Eglise locale. Mais il s’avère que neuf de ces onze prêtres ont été ordonnés par un évêque illégitime, c’est-à-dire devenu évêque sans l’accord du Saint-Père et par conséquent sans pouvoir canonique.
L’évêque en question est Mgr Joseph Ma Yinglin, ordonné le 30 avril 2006 évêque de Kunming, dans la province du Yunnan (sud-ouest de la Chine). Ordonné sans mandat pontifical, Mgr Ma est l’un des huit évêques illégitimes que compte la Conférence des évêques « officiels » de Chine, une instance d’environ 70 évêques qui n’est pas reconnue par le Saint-Siège. Très présent au sein des instances « officielles » de l’Eglise, il préside la Conférence des évêques « officiels ».
Soumis à des pressions
Les neuf prêtres ordonnés par Mgr Ma l’ont été au titre des diocèses de Dali et Kunming, deux diocèses qui, dans les structures « officielles » de l’Eglise, n’en font plus qu’un seul, le diocèse de Kunming (1). Ils sont issus des minorités ethniques à laquelle appartiennent 38 % des 46 millions d’habitants du Yunnan, province où sont recensés 25 groupes ethniques différents ; sur les neuf, cinq sont des Miao, deux des Yi, et l’on compte un Tibétain et un Kachin. Selon les informations dont nous disposons, plusieurs d’entre eux avaient clairement exprimé à Mgr Ma leur souhait d’être ordonnés par un évêque en communion avec Rome. Mais, à l’évidence, leur demande n’a pas été entendue et, sans doute soumis à des pressions, ils ont dû accepter de recevoir les ordres sacrés dans le cadre d’une cérémonie valide mais illicite d’un point de vue canonique. D’un point de vue pastoral, ils viendront rejoindre une équipe de prêtres réduite en nombre alors même que les besoins des communautés catholiques locales sont importants. Dans le Yunnan, la diversité des langues et des cultures ainsi que les distances entre les paroisses dans un pays de montagne font de l’apostolat une mission exigeante.
24 mai 2016 : des prêtres du diocèse de Kunming imposent les mains aux neuf nouveaux ordonnés. (photo Ucanews)
Ce n’est pas la première fois que Mgr Ma ordonne des prêtres. En mars 2012, lors de la solennité de l’Annonciation, il avait ordonné à la prêtrise six diacres (dont cinq étaient issus des minorités ethniques de la province). La cérémonie avait pris place dans la cathédrale de Dali. A cette époque, Mgr Ma avait été prévenu par Rome qu’il n’était pas souhaitable qu’il préside à ces ordinations, non seulement du fait qu’étant donné sa situation, il n’était pas en mesure de poser d’actes de gouvernement dans ce diocèse, mais aussi parce qu’il mettait dans une situation délicate les prêtres ainsi ordonnés. En effet, dans l’Eglise de Chine aujourd’hui, même si la pénurie de prêtres est réelle, une partie des fidèles répugnent à travailler avec des prêtres qu’ils estiment ordonnés dans des conditions discutables.
Légitimer les évêques non reconnus par Rome
Ce 24 mai, la cérémonie d’ordination a eu lieu dans l’église du Sacré-Cœur de Sahongkou, village du district de Honghe, situé au sud de Kunming, capitale du Yunnan. Elle intervient alors que des négociations entre Rome et Pékin ont lieu. A la fin du mois d’avril dernier, une délégation du Vatican s’est rendue dans la capitale chinoise, signe que les pourparlers entamés en 2014 entre les deux parties se poursuivent. Rien n’a filtré du contenu de ces négociations, mais on peut imaginer que les modalités d’une éventuelle légitimation par Rome des huit évêques illégitimes – dont Mgr Ma – sont sur la table.
Dimanche 22 mai, à l’issue de la prière de l’Angélus, le pape François avait demandé à la Vierge Marie le « soutien des chrétiens » qu’elle donne « à ses enfants en Chine, la capacité de discerner en toute occasion les signes de la présence amoureuse de Dieu qui accueille toujours et pardonne ». Le pape avait souhaité que les catholiques chinois puissent en cette Année de la miséricorde « devenir signe concret de charité et de réconciliation ». Ces fidèles pourront ainsi, selon François, devenir les promoteurs « d’une authentique culture de la rencontre et de l’harmonie dans toute la société ».
Si, en cette Année de la miséricorde, les appels à la réconciliation se font entendre, on peut s’interroger sur les objectifs poursuivit par Mgr Ma ou le pouvoir chinois lorsqu’un évêque illégitime pose de manière si publique des gestes de gouvernement qui lui sont théoriquement interdits et que des nouveaux prêtres sont contraints à être ordonnés par un évêque qui n’est pas en communion avec Rome. Sur les réseaux sociaux chinois, les réactions sont vives, rapporte l’agence Ucanews. Un blogueur catholique qui signe « Demeure du sel et de la lumière » écrit que Mgr Ma cherche sans doute ainsi à faire pression sur le Saint-Siège pour être légitimé mais, qu’en agissant de la sorte, « il crée un grand tort à l’unité de l’Eglise de Chine ». Un autre blogueur du nom de Xu Yaying interpelle Mgr Ma : « Est-ce ainsi que l’on agit pour demander pardon au Saint-Père ? N’est-ce pas comme dire à Jésus que l’on a mal agi tout en le fouettant au visage ? C’est ça qu’on appelle se repentir ? »
24 mai 2016 : Mgr Ma Yinglin entouré des neuf prêtres ordonnés par lui. DR
Le cas des deux autres prêtres ordonnés ce 24 mai ne pose pas de difficultés particulières. En la cathédrale de Jinzhong, Mgr Wu Junwei, évêque « officiel » – et en communion avec Rome – de Yuncheng (aussi connu sous le nom de diocèse de Xinjiang), dans la province du Shanxi, a ordonné le P. Han Bo pour le diocèse de Jinzhong (aussi connu sous le nom de Yuci). A Chongqing, Mgr He Zeqing, évêque « officiel » et en communion avec Rome de Wanzhou (Wanxian), a ordonné le P. Peng Yueyu pour le diocèse de Chongqing. Les sièges épiscopaux de Yuci et Chongqing sont actuellement vacants.
(eda/ra)