Eglises d'Asie

La Cour suprême suspend l’application de la loi sur « la santé reproductive »

Publié le 22/03/2013




Dans le bras de fer qui oppose l’Eglise catholique au président Aquino sur la très controversée « loi sur la santé reproductive », l’Eglise enregistrerait-elle sa première victoire ? Mardi 19 mars, la Cour suprême a suspendu provisoirement l’exécution de la loi (RH Bill), à quelques jours de sa mise en application.

Après quinze ans de débats et de combats acharnés entre l’Eglise catholique et le gouvernement, la RH Bill (1), dans sa dernière version amendée (2), avait finalement été votée le 19 décembre dernier par les deux chambres du Congrès philippin, puis approuvée par décret par le président Benigno Aquino. Le ministère de la Santé avait annoncé que les nouvelles mesures entreraient en vigueur le jour de Pâques, le 31 mars, un choix qui avait choqué dans l’Eglise de ce pays à la population très majoritairement catholique.

Le coup de théâtre est venu de la Cour suprême qui a annoncé mardi dernier avoir voté, à une majorité des deux tiers, la suspension durant 120 jours de l’application de la RH Bill, le temps d’étudier les nombreuses pétitions protestant de son inconstitutionnalité qui lui avaient été adressées. Les opposants à la loi présenteront oralement leurs arguments le 18 juin devant la Cour.

L’Eglise catholique, dont les fidèles aux Philippines forment plus de 80 % de la population, s’est réjouie de ce sursis inattendu de quatre mois, qui lui permet de relancer sa mobilisation contre la RH Bill et une bataille qu’elle semblait pourtant avoir définitivement perdu en décembre dernier. Depuis plus de quinze ans, l’épiscopat philippin dénonce vigoureusement la RH Bill comme allant à l’encontre des enseignements de l’Evangile et de la « culture de vie ».

« C’est une victoire très temporaire », a temporisé le P. Melvin Castro, secrétaire exécutif de la Commission épiscopale pour la famille et pour la vie, invitant les croyants à profiter « de ce répit accordé par le SQA (statu quo ante) pour être plus actifs dans leur campagne contre la RH Bill ». Lors des élections à venir, prévues en mai prochain, les catholiques auront le devoir de voter en faveur des « candidats pro-vie », a-t-il affirmé (3).

De partout aux Philippines, les commentaires des évêques se réjouissant de la décision de la Cour suprême ont fusé. « C’est une victoire pour la vérité, remercions Dieu d’avoir inspiré les juges », a déclaré le P. Amadeo Alvero, porte-parole de l’archidiocèse de Palo, ajoutant que la prière de l’Eglise « était que les gens réalisent que la RH Bill était du côté du Mal, et que cette demande avait été exaucée ». « Notre combat contre la RH Bill est juste ; Dieu est de notre côté », a surenchéri sur Radio Veritas Mgr Guillermo Afable, évêque de Digos.

Les réactions du gouvernement philippin, pour qui la mise en place de la RH Bill était l’un des principaux objectifs, ne se sont pas fait attendre. « Nous sommes très en colère au sujet de cette décision de la Cour suprême », n’a pas hésité à dire Rom Dongeto, directeur exécutif du Comité parlementaire sur la population et le développement. « La Cour n’avait absolument aucune raison de suspendre l’exécution de la loi, même si la justice se doit d’examiner les pétitions », a poursuivi le parlementaire, ajoutant que « la question sous tous ses aspects avait déjà été étudiée et débattue durant quatorze ans au Congrès ».

Le porte-parole de la présidence, Edwin Lacierda, a déclaré que la décision de la Cour serait respectée : « Nous sommes confiants dans le fait que le gouvernement sera capable de défendre les avantages de la loi sur la responsabilité parentale », a-t-il déclaré.

Quant au secrétaire de la Communication présidentielle, Ricky Carandang, il a affirmé que la décision de la Cour suprême affecterait très probablement les efforts du pays pour se conformer aux directives des Nations Unies pour « les objectifs du millénaire pour le développement » : « Cette loi devait faire diminuer le taux de mortalité maternelle (…) et au final, abaisser le niveau de pauvreté, combinée avec les différents programmes qui accompagnaient la RH Bill. »

L’un des auteurs de la loi, Albay Edcel Lagman, a contesté la « prétendue inconstitutionnalité de la RH Bill » dans une déclaration publiée le 20 mars : « Cette loi n’attente absolument pas au droit à la vie inscrit dans la Constitution philippine et ne légalise pas l’avortement qu’elle reconnaît toujours comme punissable pénalement. » Il poursuivait en ces termes : « Quant à l’accusation selon laquelle la RH Bill porte atteinte à la liberté religieuse, c’est une totale aberration (…). Avoir la liberté d’être informé garantit au contraire que nul ne sera forcé dans son choix personnel à violer les préceptes de sa religion ou ses convictions religieuses. »

Janette L. Garin, également co-auteur de la RH Bill, a menacé : « A chaque jour qui passera [sans cette loi], plus de mères vont mourir, plus d’enfants seront orphelins, et plus de familles philippines seront privées du choix d’avoir une vie meilleure. »

Mais, parallèlement au débat sur la RH Bill aujourd’hui relancé, l’Eglise sait qu’elle devra prochainement lutter contre un autre projet de loi que le président Aquino compte faire passer aussi en force, malgré l’opposition farouche de l’épiscopat philippin. Après le vote de la loi sur « la santé reproductive », le Parlement envisage en effet un projet de loi légalisant le divorce, dont le vote est prévu lors de la session parlementaire qui suivra les élections de ce printemps.

Les Philippines sont aujourd’hui le seul Etat dans le monde, avec le Vatican, où le divorce est interdit par la loi. Au cours des débats qui avaient agité le pays au sujet de la RH Bill, l’Eglise catholique avait montré la même opposition concernant l’introduction du divorce, dont le projet de loi commençait à être présenté. Aujourd’hui, a commenté le P. Melvin Castro, « le gouvernement dévoile enfin son vrai visage » et révèle que « contrairement à ce qu’il affirme, il n’a jamais été pour le bien-être de la famille, des femmes et des enfants ». « Ce à quoi nous assistons aujourd’hui montre bien que [la RH Bill] n’est que le commencement d’une série de lois orientées contre la famille et la vie », a-t-il conclu.